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La liberté d’expression et le pluralisme des médias, deux piliers indispensables au bon fonctionnement d’une démocratie, traversent actuellement une période difficile sous l’effet conjugué des restrictions liées au COVID, de la montée du populisme et de la convergence croissante des médias, qui voit les petits acteurs se faire absorber par les plus gros. Les autorités de régulation nationales des médias sont les garantes de la liberté d’expression et du pluralisme dans nos médias audiovisuels et en ligne. Elles régulent, contrôlent et, le cas échéant, sanctionnent l'activité des médias en Europe. À cette fin, elles doivent être protégées de toute ingérence publique ou privée dans leurs processus décisionnels.
Ce nouveau rapport intitulé Les autorités de régulation des médias et les défis de la coopération est publié par l’Observatoire européen de l’audiovisuel, qui fait partie du Conseil de l’Europe à Strasbourg, en collaboration avec la Plateforme européenne des instances de régulation (EPRA). Il examine les défis actuels auxquels sont confrontées les autorités de régulation nationales (ARN) et tente d’établir comment la coopération entre ces dernières peut renforcer leur mission.
Le premier chapitre dresse un tableau général qui révèle une forte disparité entre les ARN des pays européens. Les différentes autorités de régulation des médias présentent des différences significatives quant à la manière dont elles sont structurées, aux ressources qui leur sont allouées (la majorité des ARN étudiées reçoivent leur budget directement de l'État), à leurs divers pouvoirs et compétences et, surtout, à leur réelle autonomie et leur responsabilité effective à l’égard, notamment, des autorités gouvernementales.
Le deuxième chapitre présente le cadre législatif européen dans lequel s’inscrivent les ARN, ainsi que les différents textes juridiques ayant une incidence sur leur travail. La Recommandation du Conseil de l’Europe sur l’indépendance et les fonctions des autorités de régulation du secteur de la radiodiffusion, adoptée dès 2000, a ouvert la voie à la reconnaissance officielle au niveau de l’UE du rôle et de l’importance des ARN par le biais de la Directive SMA. D’autres textes législatifs européens, tels que la législation sur les services numériques, font également l’objet d’un examen au regard des ARN. Il est clair que la prochaine loi sur la liberté des médias prévue par la Commission sera d’une importance capitale pour le rôle et le fonctionnement des ANR.
Le troisième chapitre propose une présentation détaillée des autorités nationales de régulation des médias dans sept pays européens. Les auteurs examinent les pouvoirs et les compétences de chaque ARN et analysent en détail la réglementation des plateformes en ligne dans chaque pays. La règlementation des plateformes de partage de vidéos relève-t-elle de la compétence de l’ANR des médias ou d’un organisme distinct ? Si tel est le cas, comment les différentes autorités travaillent-elles ensemble ?
Le quatrième chapitre examine les différents réseaux d’ARN des médias qui sont en place afin de renforcer et promouvoir la coopération entre les divers organismes nationaux. Les auteurs présentent les deux grands réseaux européens, l’EPRA et l’ERGA, puis se penchent sur les réseaux à caractère linguistique ou géographique, axés, par exemple, sur l’espace francophone ou sur les régions baltiques ou nordiques.
Le cinquième chapitre présente les différents domaines de coopération intersectorielle au niveau national et européen face aux nouveaux défis de l’espace numérique. Au niveau national, les régulateurs compétents de l'espace numérique reconnaissent de plus en plus qu’il importe de coopérer dans des domaines d'importance mutuelle. Cette tendance a évolué récemment, passant d’un phénomène ad hoc à des structures de coopération plus formelles entre les régulateurs intersectoriels de l'espace numérique, notamment au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Les dernières études de l’EPRA ont mis en évidence de nombreux domaines où une coordination renforcée entre les régulateurs sectoriels pourrait s’avérer bénéfique, notamment l’accès aux données et la collecte de celles-ci ou la réglementation électorale et la publicité à caractère politique ciblée en ligne.
Les auteurs terminent par un état des lieux des difficultés communes des ARN en Europe. Ils en concluent que le changement de paradigme en cours dans le paysage médiatique européen pourrait contraindre les ARN des médias à se réinventer. Le rapport souligne l’importance accrue de l’échange d’expériences, de la dotation de ressources suffisantes pour que les ARN puissent remplir leur mission et, le cas échéant, de la création de pôles communs d’experts au niveau européen pour soutenir les gardiens de la liberté d'expression et du pluralisme des médias dans l’exercice de leurs fonctions.