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La Géorgie, la Moldavie, la Turquie et l’Ukraine sont officiellement des pays candidats à l’adhésion à l’UE et, à ce titre, réforment leur législation pour la mettre en conformité avec le droit européen en vigueur. Par ailleurs, l’Arménie a signifié son intention de développer et d’approfondir son partenariat et sa coopération avec l’UE. Avec l’adoption, cette année, du Règlement européen sur la liberté des médias (EMFA), de nouvelles problématiques et de nouveaux défis se posent au regard de la réglementation de ces cinq pays en matière de pluralisme des médias. Ce rapport - Pluralisme des médias dans une sélection de pays de la région de la mer Noire : l’influence des standards européens - procède à l’analyse comparative des divers aspects de la réglementation du pluralisme des médias dans la région de la mer Noire en lien avec les normes de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.
Ce nouveau rapport a été rédigé par Andrei Richter, professeur à l’Université Comenius de Bratislava.
Andrei Richter ouvre le premier chapitre par présenter le Règlement européen sur la liberté des médias (EMFA) et son rôle dans l’élaboration de la politique des médias en Europe et au-delà.
Le deuxième chapitre fait le point sur les engagements généraux en faveur du pluralisme des médias qui prévalent en Europe aujourd’hui. L’auteur analyse les principes fondamentaux du pluralisme des médias en tant que valeur phare de l’UE. Il se penche également sur les principaux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en la matière et les normes du Conseil de l’Europe qui consolident ces engagements. L’auteur fournit ensuite une présentation détaillée du système juridique actuel visant à préserver le pluralisme des médias dans chacun des pays étudiés. Il relève que « la Moldavie est le seul des cinq pays à disposer d’une législation très détaillée visant à contrôler et promouvoir le pluralisme des médias. »
Le chapitre trois examine l’approche européenne de la transparence en matière de propriété des médias. L’EMFA impose une déclaration claire de la propriété des médias afin de prévenir les conflits d’intérêts et de clarifier les responsabilités. Les Lignes directrices sur le pluralisme des médias et la transparence de leur propriété du Conseil de l’Europe recommandent également d’assurer un haut niveau de transparence concernant les sources de financement des sociétés de médias pour établir un tableau d’ensemble des diverses sources d’ingérence potentielles dans l’indépendance éditoriale et opérationnelle des médias. L’auteur analyse ensuite le cadre juridique de chacun des cinq pays et note une amélioration de la Moldavie et de l’Ukraine en matière de transparence de la propriété des médias.
Le chapitre quatre se penche sur le processus de désoligarchisation de la sphère médiatique. Le droit de l’UE ne comporte aucune disposition spécifique à cet égard, mais s’attache néanmoins à promouvoir la liberté des médias et le pluralisme. Suivant les recommandations de la Commission européenne, la Géorgie, la Moldavie et l’Ukraine ont présenté des projets de loi visant à promouvoir la désoligarchisation en 2023. Après avoir examiné ces projets de loi, la Commission de Venise, organe consultatif du Conseil de l’Europe sur les questions constitutionnelles, a clairement déconseillé leur mise en œuvre au motif qu’ils sont « difficiles à concilier avec les principes de liberté d’expression, de pluralisme politique et d’État de droit et risquent d’être utilisé[e]s de manière abusive à des fins politiques. »
Le chapitre cinq traite de l’indépendance éditoriale. L’auteur examine les problèmes auxquels sont confrontées les rédactions pour maintenir leur indépendance éditoriale et se protéger des pressions commerciales et des exigences des propriétaires de médias. L’EMFA et la recommandation du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe contiennent chacune des dispositions concrètes visant à préserver l’indépendance éditoriale et l’autonomie opérationnelle. L’analyse approfondie de ces cinq pays révèle que, dans cette région, l’indépendance éditoriale est menacée par les contraintes d’ordre économique et les pressions exercées par les propriétaires. La Moldavie est mise en exergue pour son cadre législatif relativement avancé en faveur de la liberté éditoriale, tandis que l’Arménie et la Géorgie sont encore en train de lutter contre l’ingérence des propriétaires.
Le chapitre six termine par l’examen des restrictions concernant les médias « malhonnêtes»/étrangers et la « désinformation ». L’Europe s’attache à renforcer sa législation pour lutter contre les fake news, en particulier depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Ce chapitre se penche sur la définition du nouveau terme de « médias de qualité » (par opposition aux médias « malhonnêtes » soumis à la manipulation de l’information et à l’ingérence de puissances étrangères) dans l’EMFA et les recommandations du Conseil de l’Europe. L’auteur évalue les mesures de restriction de la Moldavie et de l’Ukraine à l’encontre des médias soutenus par le Kremlin qui propagent la désinformation et sapent les valeurs européennes. Il passe également en revue les efforts déployés par la Géorgie et la Turquie pour lutter contre toute forme d’influence de médias étrangers, car les résultats obtenus restent mitigés.
En conclusion, Andrei Richter constate certaines avancées dans l’alignement des pays de la région de la mer Noire sur les normes européennes en matière de pluralisme et de transparence des médias, tout en soulignant qu’il reste encore divers problèmes majeurs à régler. L’EMFA pourrait jouer un rôle crucial dans les développements de la réglementation des médias dans cette région.